À J. Hérold.

Bièvre, 18 juillet 1831.

Voici, monsieur, deux ou trois méchantes strophes. Je ne crois pas que vous en puissiez faire grand’chose. Ce sera un beau triomphe pour votre talent si vous parvenez à faire vivre et respirer cet embryon informe. J’ai cru qu’il fallait que cela fût simple, funèbre et grandiose ; je crois que cela est trop simple, peu funèbre et pas du tout grandiose. En tout cas, brûlez ces vers s’ils vous paraissent trop méchants, et n’y voyez qu’une preuve du désir que j’avais de faire une chose qui pût vous être agréable. Pour moi, je me féliciterai toujours d’une occasion qui m’a procuré l’honneur de faire votre connaissance.

Agréez, je vous prie, monsieur, l’expression cordiale de ma considération distinguée.

Victor Hugo.

Je serai à Paris mercredi soir.

Si c’est trop long, je crois que vous pourriez supprimer la dernière strophe.

À Sainte-Beuve.

Ce 21 [juillet 1831].

J’ai les yeux si malades, cher ami, que j’y vois à peine pour vous écrire. Je reçois votre lettre en rentrant de la campagne où j’étais allé passer quelques jours dans l’espoir d’y trouver des distractions, qui m’ont fui là comme ailleurs. Je n’ai plus qu’une pensée triste, amère, inquiète, mais, je vous jure, pleine au fond de tendresse pour vous. Voici les vers que vous me demandez. Faites-en tout ce que vous voudrez, comme vous le voudrez. Vous êtes mille fois trop bon de vous occuper encore de moi. J’en suis toujours bien fier, et plus profondément touché que jamais. Mais surtout aimez-moi et plaignez-moi.

Votre frère,

Victor.

À J. Hérold.

Paris, vendredi matin, 22 juillet [1831].

Je serais déjà allé, monsieur, vous chercher et vous remercier de votre bonne visite, si je n’étais absorbé par les répétitions d’une pièce qui me prend tout mon temps. Je ne sais si vous aurez envie de faire quelque chose des vers que j’ai eu l’honneur de vous envoyer, et je vous engage fort à n’en rien faire. Si pourtant vous vous décidiez à donner l’âme et la vie à une lettre-morte, voici deux vers que j’ai changés, et de la correction desquels je vous prierais de tenir compte, s’il en est encore temps :

1° Il faudrait lire les deux premiers vers de la première strophe ainsi :

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu’à leurs cercueils la foule vienne et prie.

2° Dans le chœur, au lieu de :

Gloire à la patrie éternelle !

Il faudrait :

Gloire à notre France éternelle !

Pardon, monsieur, de vous avoir envoyé si peu de chose. J’ai fait preuve de bonne volonté ; c’est vous qui ferez preuve de talent.

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