À Mademoiselle Louise Bertin.

Ce mardi matin, 22 mai 1835.

Mademoiselle,

Quoique Poupée se soit chargée de vous donner des nouvelles de toute la maison, permettez-moi d’ajouter un mot à sa lettre. Ma femme se propose d’aller dîner avec vous aux Roches jeudi soir à six heures (demain) ; je viendrai la prendre le lendemain (vendredi), et je la ramènerai le soir à Paris. Didine l’accompagnera, et je compte mener avec moi Boulanger, si votre excellent père veut toujours bien de lui et de moi. Je vous apporterai ce que vous m’avez demandé pour notre scène nocturne.

Nous nous promettons un bien grand plaisir de cette promenade aux Roches, de cette journée passée dans la bonne et hospitalière maison où nous avons passé tant d’heureuses semaines. J’espère que vous ne refuserez pas de nous chanter quelque chose de Notre-Dame. Moi surtout, dont toutes les journées s’envolent dans un travail sans relâche, j’aurai bien besoin, pour me reposer les yeux et l’esprit, d’un peu de votre verdure et de beaucoup de votre musique.

À propos de musique, Didine et Liszt me donnent des leçons de piano. Je commence à exécuter avec un seul doigt d’une manière satisfaisante Jamais dans ces beaux lieux. Je ne comprends pas comment Poupée ne vous raconte pas ce grand événement dans sa lettre. Pardon, mademoiselle, de vous parler de ces enfantillages. Si je ne vous savais bien occupée et si je ne craignais que vous ne vous crussiez dans l’obligation de me répondre, je vous écrirais de temps en temps. Vous m’avez dit un jour que vous aimiez à recevoir des lettres quelconques. Je vous écrirais des lettres quelconques ; celle-ci en est bien une.

Quand je veux me rappeler des journées douces et bien employées, parmi les plus douces et les mieux employées de ma vie, je vais méditer quelques instants dans mon salon, devant la petite voiture de cartes que nous avons faite à nous deux. C’est jusqu’à présent notre chef-d’œuvre, en attendant Notre-Dame.

Adieu, mademoiselle Louise ; à vendredi. Dites bien à votre bon père que je suis à lui et à vous du fond du cœur, et veuillez recevoir avec votre bonté ordinaire l’hommage d’amitié respectueuse de votre signor poeta.

Victor H.

Mes respects, je vous prie, à madame Bertin et mes bonnes amitiés à Édouard.

À Léopoldine.

Je t’écris sur de bien vilain papier, ma Didine, mais je voudrais y mettre tant de jolies choses que ce vilain papier devînt charmant pour toi.

J’espère que tu as été bien sage, bien douce, bien tranquille, bien bonne avec ta mère qui est si bonne.

En attendant que je te revoie, il faut que tu me remplaces près d’elle, et que tu lui tiennes lieu aussi de tous les autres chers petits enfants qui sont tristes à Paris, pendant que tu es heureuse à Angers.

Quand tu les reverras, tu embrasseras pour moi Charlot sur ses deux bonnes joues, Toto sur le front et Dédé sur sa jolie petite bouche.

Je t’aime bien, ma Didine.

Ton petit papa,

V.

Amiens, 3 août [1835].

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