19 janvier 1838.

À Monsieur Anténor Joly, directeur du théâtre de la Renaissance.

J’ai vu hier soir Dumas, mon cher Anténor. Il était très monté, je vous expliquerai pourquoi et comment. Je l’ai rassuré pleinement, je lui ai dit ce que je vous ai dit tant de fois à vous-même : que nous serions à votre théâtre tous les deux sur le pied d’une entière égalité ; que je supporterais fort bien des préférences pour lui, mais que je n’en voulais pas pour moi ; enfin, que je le considérais, ce qui est vrai, comme indispensable au bon établissement de ce théâtre ouvert à tous et pour tous. Tout cela qui est, comme vous savez, ma vraie et loyale pensée, a dissipé le nuage qui était fort gros et fort noir dans son esprit. Voyez-le, il vous croit froid pour lui. Parlez-lui comme je l’ai fait. J’ai vu aussi Mlle Ida, qui avait également besoin d’être rassurée. Je lui ai dit que je ne doutais point de vos intentions à son égard. Je vous conterai la chose en détail, quand je vous verrai. Je crois avoir bien fait en tout, et que vous m’approuverez. Vous savez que je regarde le concours de Dumas comme absolument nécessaire, et une rupture était imminente. Je vous expliquerai tout la première fois. Il y a aussi bien des petites choses que je vous dirai, car vos intérêts me sont aussi chers que les miens propres.

Je vous serre la main et suis tout vôtre du fond du cœur.

V. H.

À Auguste Vacquerie.

Au lieu d’une lettre vous en aurez deux. Ma femme vous écrit, et moi aussi. Comment voulez-vous qu’on vous oublie, mon poëte ? Vers et prose, amitié et poésie, de vous tout est charmant. Je vous félicite d’être là-bas et je vous remercierai d’être ici. Vous êtes heureux d’ailleurs, si vilain que soit le printemps, car vous avez la mer qui est belle surtout quand la saison ne l’est pas. Quand le ciel est affreux, l’océan est magnifique. Promenez-vous donc sur la grève. Je vous souhaite une tempête. — Une tempête sans naufrage, bien entendu, car il ne faut pas indigner les philanthropes avec nos fantaisies d’artistes. — Mais revenez bien vite. — Venez pour être accueilli à bras ouverts par vos vieux amis de la place Royale.

Moi, je n’ai rien de beau à vous raconter. Paris est toujours Paris, c’est-à-dire quelque chose d’assez plat. Pour toute tempête et pour tout océan, j’ai la séance du comité historique d’où je vous écris. J’y fais un petit orage précisément en ce moment, j’y soulève à propos de la grille de la place Royale toutes sortes de vagues irritées, et je tâche de faire chavirer le conseil municipal de la ville de Paris, représentée par un navire comme vous savez. Je souffle sur le préfet et je couvre d’écume les architectes. C’est fort amusant de faire ainsi l’Éole, mais j’aimerais encore mieux les envoyer au diable, et m’aller promener moi-même, — avec vous, mon poëte, et au bord de la mer. Je vous aime de tout mon cœur.

Victor H.

Ce mercredi 18 avril [1838].

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