2 novembre 1839.
Je ne sais, mon cher monsieur Provost, si c’est de ma faute, mais le public évidemment ne comprend pas que pour un bouffon la métaphore risquée est de droit et que le propre d’un fou de cour, c’est de dire çà et là des choses étranges et folles par l’expression, vraies et sages par la pensée. « Ce caporal des rois » choque ledit public, ce dont je me soucierais fort peu s’il n’en résultait pas du trouble dans un endroit sérieux et important. Je crois donc utile d’y renoncer. On perdrait d’ailleurs peu de chose, je le pense, en passant de l’expression triviale et philosophique à l’expression poétique et figurée, et en disant, au lieu de « la Mort, ce caporal des rois », etc.,
Pâle centurion, la Mort met en leur lieu, etc.
Jugez-en vous-même. Faites d’ailleurs pour le mieux. Au bout du compte, cela m’est égal. Ce qui ne m’est pas indifférent, c’est le talent que vous déployez dans ce rôle, et je saisis avec plaisir cette occasion de vous en remercier et de vous en féliciter encore une fois.
Recevez, je vous prie, tous mes compliments.
Victor Hugo.