À M. Harel.

[Janvier 1844.]

Il me semble , mon cher monsieur Harel, que mon mot : et ce sera ta mort n’est décidément pas assez sublime et ne répond pas à l’attente du public en un pareil moment. L’effet, — qu’en dites-vous ? — me paraît entier après le serment de Gilbert, et le susdit mot sublime est plutôt un accroc qu’autre chose. Pour ne faire dire qu’un mot, et pour le faire dire par mademoiselle George, il faudrait vraiment trouver un beau mot. Or je ne trouve rien. Supprimons donc, et laissons tomber le rideau sur le serment de Gilbert qui, hier, a produit, vous vous en souvenez, une sensation complète. Mais d’abord, et avant tout, est-ce votre avis ? est-ce l’avis de mademoiselle George ? Si vous le pensiez tous les deux comme moi, seriez-vous assez bon, comme je ne pourrai peut-être pas aller ce soir à l’Odéon, pour avertir de ma part M. Bouchet et pour faire donner les ordres nécessaires à la chute du rideau immédiatement après le serment prononcé, tout le monde restant tableau.

Pardon de vous parler argot à vous qui parlez si bon français. Pardon aussi de vous déranger pour si peu. Très prochainement j’irai vous serrer la main et mettre toutes mes admirations aux pieds de ma grande actrice.

Victor Hugo.

Ce vendredi matin.

Il va sans dire que nous ne supprimons le mot que si cette suppression convient tout à fait à mademoiselle George.

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