À Mademoiselle Alice Ozy.

Mlle Alice Ozy, la charmante actrice du théâtre des Variétés, avait demandé à Victor Hugo de faire pour elle quelques vers. Il lui avait envoyé ce quatrain :

Platon disait, à l’heure où le couchant pâlit :
— Dieux du ciel, montrez-moi Vénus sortant de l’onde !
Moi, je dis, le cœur plein d’une ardeur plus profonde :
— Madame, montrez-moi Vénus entrant au lit !

Billet d’Alice Ozy :

Grand merci, monsieur ! Les vers sont charmants, un peu légers peut-être si je me comparais à Vénus, mais je n’ai aucune prétention à la succession.

Réponse de Victor Hugo :

Un rêveur quelquefois blesse ce qu’il admire !
Mais si j’osai songer à des cieux inconnus,
Pour la première fois aujourd’hui j’entends dire
Que le vœu de Platon avait blessé Vénus.

Vous le voyez, madame, je voudrais bien vous trouver injuste ; mais je suis forcé de vous trouver charmante. J’ai eu tort et vous avez raison. J’ai eu tort de ne me souvenir que de votre beauté. Vous avez raison de ne vous souvenir que de ma hardiesse. Je m’en punirai de la façon la plus cruelle et je sais bien comment.

Veuillez donc, madame, excuser dans votre gracieux esprit ces licences immémoriales des poëtes qui tutoient en vers les rois et les femmes, et permettez-moi de mettre, en prose, mes plus humbles respects à vos pieds.

Dimanche, midi [15 août 1847].

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