À Monsieur Buloz, administrateur de la Comédie-Française.

Permettez-moi, monsieur, d’appeler sur la supplique ci-jointe votre plus bienveillant intérêt. Dans l’ère de prospérité que vous inaugurez si heureusement, se souvenir du passé est à la fois un honneur et un devoir. Vous comprendrez mieux que personne ce que mérite la veuve d’un des comédiens les plus distingués de l’ancien Théâtre-Français. Je serais heureux qu’elle vous dût un peu de pain dans ses vieux jours.

Recevez, je vous prie, la nouvelle assurance de mes sentiments les plus distingués.

Victor Hugo.

13 Xbre [1847].

Inédite. Pierre Cauwet était en relations avec les principaux écrivains de l’époque ; il fit paraître plus tard dans l’Événement (10 mai 1851) un feuilleton très intéressant contenant des lettres de Victor Hugo, Béranger, etc. Victor Foucher était, en 1847, directeur général des affaires civiles au ministère de la Justice. Collection Louis Barthou. La fille unique d’Arsène Houssaye venait de mourir, à trois ans, d’une méningite. Histoire des Girondins. Brouillon. Archives de la famille de Victor Hugo. Variante au verso du brouillon :
À cette heure charmante où le couchant pâlit,
Où le ciel se remplit d’une lumière blonde,
Platon souhaitait voir Vénus sortir de l’onde,
Moi, j’aimerais mieux voir Alice entrer au lit.
Henry Mürger avait quatorze ans quand il écrivit pour la première fois à Victor Hugo ; il sollicitait une entrée à l’Opéra pour assister à une représentation de la Esmeralda. Plusieurs fois il eut recours au poète dont l’appui ne lui fit jamais défaut. Gagné par la fièvre romantique, Mürger accumula vers et prose et vécut, mal, de ce qu’il trouvait à placer çà et là. Il dirigea un journal de modes. Enfin, en 1847, il fit paraître dans le Corsaire les Premières scènes de la Vie de Bohème qu’il réunit ensuite en un volume ; ce fut le commencement de la célébrité ; la pièce qu’il tira, en collaboration avec Théodore Barrière, de son roman, lui ouvrit les journaux et les revues. Il écrivit trois romans et un délicieux petit acte : Le bonhomme Jadis, qu’on joue encore au Théâtre-Français. Mürger mourut avant d’avoir atteint quarante ans, miné par une vie de misère et de travail. « ... Une impérieuse nécessité m’oblige à m’adresser au Comité des Gens de lettres pour le prier de patronner une demande de secours que j’adresse au ministre de l’Intérieur... J’ai pensé, Monsieur, qu’un mot de vous adressé en ma faveur au Comité déciderait ses membres à tenter une démarche auprès du ministre… Ma demande au Comité lui arrivera le lundi 19 septembre. » Lettre de Mürger, 17 septembre 1847. Communiquée par la librairie P. Bérès. Nous n’avons pas l’original de cette lettre, publiée en 1898, mais on a dû, alors, faire une erreur de lecture ; en 1847, le calendrier marque : vendredi 1er octobre ; et comme Victor Hugo se plaint de ne pas encore avoir vu Pierrot posthume, joué au théâtre du Vaudeville le 4 octobre 1847, c’est sans doute du vendredi 8 octobre qu’il faut dater cette lettre. Mme Victor Hugo avait été atteinte de fièvre typhoïde. Regardez, mais ne touchez pas ! Cette « comédie de cape et d’épée », écrite en collaboration avec Bernard Lopez, fut représentée à l’Odéon le 20 octobre 1847. La veuve de Lafon, acteur du Théâtre-Français, demandait à Buloz une représentation à son bénéfice. Dans les Archives de la Comédie-Française, on a joint, à la lettre de Victor Hugo, le brouillon du refus de l’administrateur.

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