À G. Hugelmann.

Pauvre cher poëte, mon frère, vos vers et votre lettre m’ont profondément touché. Les larmes me sont venues aux yeux. — Mais qu’avez-vous donc fait ? — Sitôt votre lettre reçue, j’ai couru, j’ai demandé votre libération ; j’ai rencontré des obstacles invincibles, des obstacles qui, j’en ai peur, seront plus forts que moi. — Je ne me décourage pas pourtant et je ferai de nouveaux efforts. — Hélas ! à quoi bon toutes ces haines ? — Quant à moi, je ne maudis que ceux qui sèment la colère. — Qui vous a poussés tous, dans ce triste mois de juin, à attaquer la société, la civilisation, la France ! — Vous étiez pourtant bien des cœurs généreux ! Qui donc a pu vous aveugler à ce point ? Il a bien fallu défendre ce que vous attaquiez. De là tout le mal. — Au fond, ce qui me désole, c’est que tout ce qui se passe, depuis un an, n’est qu’un horrible malentendu. — Vous, par exemple, il me semble qu’en une minute, vous me comprendrez. Quoi qu’il arrive, croyez à ma profonde sympathie. Je ne suis qu’un pauvre poëte, comme vous, mais mon cœur est avec vous ! — Je vous serre la main.

Victor Hugo.

Paris, 27 mars 1849.

P. S. — Croyez-moi, réfléchissez, voyez le néant de toutes les folles idées qu’on vous prêche. — Fantômes ! chimères ! mensonges ! Ou tout cela vous a-t-il conduit ? À des luttes désespérées et inégales contre des vérités éternelles. Réfléchissez, vous qui êtes une intelligence. — Le propre des esprits élevés, c’est de ne pouvoir être longtemps des esprits passionnés. — Puisse-t-il se faire une révolution en vous comme dans Silvio Pellico !

V. H.

Share on Twitter Share on Facebook