À Émile de Girardin.

15 février 1851.

Comptez sur moi, monsieur. Comptez, dans la limite, malheureusement restreinte, de ce qui m’est possible, sur mon plus cordial concours. Ce que vous faites est bien. En dehors de toute idée de spéculation, de toute propagande de parti même, au point de vue le plus désintéressé et le plus élevé, avec ce but magnifique devant les yeux : le bien-être de tous, avec cette grande loi dans l’esprit : liberté, égalité, fraternité, vous créez une immense feuille nationale et populaire. Vous créez un journal que les uns pourront lire comme un répertoire et les autres comme un évangile. Vous faites semer les idées par les faits. Vous préparez ces réalisations pacifiques qui, si les hommes comme vous réussissent, désarmeront les révolutions de l’avenir. Vous ralliez et vous groupez autour de la haute pensée du progrès cette immense famille solidaire de ceux qui travaillent, de ceux qui souffrent et de ceux qui pensent. Vous offrez au suffrage universel un flambeau à cent mille branches, allumé à la fois sur toute la surface du pays. Vous ouvrez un vaste enseignement public et presque gratuit. Vous neutralisez, autant qu’il est en vous, toutes ces lois fatales, et heureusement fragiles, qui tendent à diminuer, chose impie en tout temps et insolente au dix-neuvième siècle, la quantité de lumière répandue dans les esprits. Tous vos efforts, à vous, tendent à faire bon et intelligent l’homme que la république fait souverain.

C’est là une œuvre grande et utile. En me demandant mon adhésion, vous n’avez pas douté un instant qu’elle ne vous fût acquise. C’est du fond du cœur que je vous l’envoie.

J’y joins l’expression de mes plus vives sympathies.

Victor Hugo.

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