À Louis Noël.

15 mai 1851.

Je vous écris rarement, et, pourtant, je me sens en perpétuelle communication avec vous. Il me semble que nos deux intelligences se comprennent toujours, comme nos deux cœurs s’entendent toujours. Cher poëte, quand je parle, je ne suis pas autre chose que l’écho des âmes généreuses de mon temps, et c’est votre voix qui sort par ma bouche.

Je dis quand je parle, et voilà bien longtemps que je me tais. Vous vous en plaignez. Je vous remercie de vous en être aperçu. Je vais mieux du reste. Ce silence me pèse, et j’espère pouvoir le rompre à l’occasion de la revision. Mes amis de l’opposition me pressent ; il y a quelque chose qui me presse encore plus vivement qu’eux : c’est ma conscience. Il est temps d’élever la voix et d’avertir hautement le pays.

À bientôt, à toujours. Je vous écris de mon banc à l’Assemblée, à travers la discussion des sucres, sans trop savoir ce que je jette au hasard sur le papier ; mais c’est égal, cela sort de mon cœur, c’est bon.

Victor Hugo.

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