À Madame Victor Hugo, chez Madame V ve Vacquerie Villequier, près Caudebec (Seine-Inférieure).

13 7bre [1851].

Chère amie, un mot à la hâte. On juge l’Événement après-demain. Ils ont voulu brusquer la chose, se croyant sûrs du jury. C’est une guerre à outrance. Toute ma crainte, c’est que l’Événement ne soit suspendu. Ce serait peut-être sa mort. Que ferait-on ?

J’avais songé à défendre Victor. Tout bien considéré, il est sage d’y renoncer. J’irriterais le jury et la Cour qui me haïssent si profondément, et cela retomberait sur ce pauvre enfant sous la forme hideuse du maximum — quatre ans et 5 000 fr. — Peut-être n’oseraient-ils pas quatre ans, mais ils mettraient toujours plus d’un an, et alors Voissy ou Belle-Isle. Ces misérables qui gouvernent sont capables de tout.

Nous avons passé toute la semaine dernière dans l’attente du fameux coup d’état. On devait nous arrêter, une trentaine de représentants, dont Changarnier, Cavaignac, Girardin et moi, et nous déporter. La frégate était, disait-on, au Havre, prête à appareiller. Cela n’a jamais été plus près d’être sérieux, m’a dit Girardin. Girardin était résolu à passer son épée au travers du corps du commissaire de police. Moi, je me serais borné à lui lire l’article 36 de la Constitution. J’ai passé toutes ces nuits, les attendant, avec la Constitution ouverte sur ma table de nuit. Ils ne sont pas venus. Cela s’en ira en fumée comme tous leurs rêves.

Voilà où nous en sommes.

Il fait beau, jouissez de ces beaux soleils. Restez jusqu’au 25. À moins de condamnation et de péril pour l’Événement. En ce cas, la providence Auguste serait nécessaire. Je dîne trois fois par semaine avec Charles à la Conciergerie. Nous parlons bien de toi, chère et bonne mère. Je t’embrasse de toutes mes forces, et ma Dédé. Je vous aime tant, tous tant que vous êtes !

Amitiés sans fin à Auguste. Mes hommages à ces dames.

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