À Madame Victor Hugo.

Bruxelles, 13 juin [1852] Dimanche.

Chère amie, si tu n’es pas malade, tout est bien, mais je commence à craindre qu’une lettre de toi ne me soit pas parvenue. Depuis huit jours nous sommes sans nouvelles. Il est vrai que tu dois être bien fatiguée, que tu as dû passer les jours sans repos et les nuits sans sommeil, que les embarras de toute sorte ont dû t’assaillir à la fois, et je me rends bien compte que le temps et les forces t’ont manqué pour écrire. Pourtant j’ai besoin d’être rassuré, écris-moi dès que tu le pourras, envoie-moi sur la vente le plus de détails possible afin que je puisse renseigner quelques journaux d’ici qui me le demandent, je n’ai rien su que par les journaux de Paris et les correspondances de Bruxelles. Si j’ai quelque remercîment à faire à quelqu’un, écris-le moi. Est-il vrai qu’on n’ait pas vendu le grand lit doré ? Pourquoi ? Est-ce l’enchère qui a fait défaut ? La stalle gothique a-t-elle atteint le prix que je t’avais indiqué ? Écris-moi tout cela, et mille autres choses encore. Nous attendons avidement, Charles et moi. C’est Mme Guyon, la belle actrice de grand talent, qui emporte cette lettre en s’en retournant à Paris ; si elle te l’apporte elle-même, sois-lui gracieuse, comme tu sais l’être. C’est une digne et charmante personne. Je ne la charge pas d’une lettre pour Janin, je lui ai écrit par la poste. Son article était ravissant et a eu ici, ainsi que l’article de Gautier très grand succès. J’ai écrit à Gautier. Est-il encore à Paris ?

Je pousse mon travail à force. D’ici à trois semaines, on me verra sortir de l’ombre. J’ai conclu avec Hetzel et Marescqpour une réimpression de mes œuvres à 4 sous. Je t’expliquerai et te montrerai ce traité. Pas d’argent immédiatement, mais Hetzel, que je crois très honnête homme, dit que cela vaut mieux et que le produit différé sera plus grand. Nous verrons. Et s’il dit vrai, si cela se réalise, ce sera un bon procédé trouvé et un bon pont fait pour mes publications ultérieures. Remets à Mme Bouclier la lettre que je t’envoie sous ce pli pour elle. — La Nation ici annonce aujourd’hui mon livre. Je te coupe ces quelques lignes :

« Deux histoires du coup d’état bonapartiste viennent de paraître simultanément à Londres.

La première est intitulée : Histoire de la persécution de décembre, par Xavier Durieu, ancien représentant du peuple.

La seconde : Mystères du 2 décembre, par H. Magen.

La vengeance de l’histoire commence.

On annonce comme devant paraître également et sous peu, à Londres, une autre histoire du 2 décembre : celle où la plume de Victor Hugo aura incrusté le nom de M. Bonaparte.

Bientôt le monument de la justice des peuples sera complet. »

Je t’envoie une lettre du tailleur avec sa facture. Je n’y comprends rien. Ce n’est pas pour Charles. Je ne peux pas croire que ce soit pour Victor, auquel en mars dernier j’ai donné, par ton entremise, de l’argent pour s’habiller. — Chère amie, écris-moi vite. Comment va le procès ? L’argent rentrera-t-il bientôt ? Cela importe. Tu sais pourquoi. Comment vont nos chers amis Auguste et Paul ? Donne-moi de leurs nouvelles et dis-leur de m’écrire. — Ainsi que vous, Mlle Dédé, ainsi que vous, M. Toto. Chers enfants, je vous embrasse tendrement, chère bien-aimée maman, je t’embrasse sur toutes leurs joues.

En traitant avec Hetzel, je lui ai fait acheter à Charles un roman en un volume 500 francs avec faculté de le mettre d’abord dans un journal. J’ai donné à Charles un bon sujet. Il va se mettre au travail. Il doit livrer la première partie et recevoir les premiers 100 francs le 8 juillet. Je t’envoie cette petite bonne nouvelle. Charles a immédiatement écrit à M. Leclanché et lui a envoyé un premier bon de 50 francs pour le 8 juillet.

Demande à M. Bouclier et envoie-moi le modèle pour la délégation en

question.

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