À Madame Victor Hugo.

1er juillet [1852], Bruxelles.

Chère bien-aimée, quatre mots à la hâte. N’ayant pas d’occasion, je t’écris par la poste. Aujourd’hui même on met sous presse à Londres un volume de moi. Personne n’a osé l’acheter ; on l’imprime, c’est ça toute la hardiesse anglaise. Cela paraîtra le 25 juillet et sera intitulé Napoléon-le-Petit. C’est long comme le Dernier jour d’un Condamné. J’ai fait ce livre depuis que tu nous as quittés. Je publierai l’Histoire du Deux-Décembre plus tard. Étant forcé de l’ajourner, je n’ai pas voulu que Bonaparte profitât de l’ajournement. J’espère que vous serez tous contents de Napoléon-le-Petit. C’est une de mes meilleures choses.

Envoie-moi donc bien vite le modèle de délégation pour l’argent à toucher que tu sais. Tu vois que cela presse (Institut et droits d’auteur). Songe aussi qu’il faudra que tu sois près de moi ainsi qu’Adèle et Victor quand cela paraîtra. Préviens mon Victor. Qu’il se prépare à venir. C’est absolument indispensable. Je t’écrirai de quelle façon et où nous nous rejoindrons.

Janin m’a encore écrit une lettre charmante où il me parle beaucoup de toi.

Chère amie, j’ai improvisé ce volume en un mois. J’ai travaillé presque nuit et jour. La grande affaire de Londres ne va pas mal. Le capitaliste est trouvé. Mais il ne veut faire que de la littérature. En Angleterre, ils ont peur de la démocratie.

En attendant je forme ici une association littéraire (et politique) des proscrits. Vois Guyot, et demande-lui un exemplaire de l’acte d’association des auteurs dramatiques ; vois Louis Desnoyers et demande-lui un exemplaire de l’acte d’association des gens de lettres. Cela me servira de base. Parle-lui aussi de Charles qui fait un roman et travaille beaucoup. J’en suis très content.

Ne parle encore à personne de Napoléon-le-Petit, excepté à Auguste et à Paul Meurice, en leur recommandant le secret. Il faut que cela tombe comme une bombe.

J’ai encore mille et cent mille choses à te dire, mais la poste me presse. À bientôt tous. Écris-moi ainsi que ma Dédé, ainsi que mon Toto. Je vous aime tous.

Share on Twitter Share on Facebook