À Paul Meurice.


Marine-Terrace, 4 octobre [1853].

Coup sur coup, lettre sur lettre. Hier Auguste, aujourd’hui moi. Cher poëte, vous trouverez sous ce pli deux choses : 1° Une lettre au libraire Gosselin. Je ne sais pas l’adresse actuelle du libraire Gosselin. Lisez la lettre et vous verrez de quoi il s’agit. Entre nous, je ne crois pas que ma proposition soit acceptée ; un roman se prête beaucoup plus que des vers à un certain agiotage de librairie auquel certains éditeurs doivent de grosses fortunes. Je crois donc que les deux libraires contractants se déroberont. S’il en était autrement, je serais charmé de leur faire amende honorable dans un a parte attendri.

Voici maintenant ce que je voudrais de votre admirable bonté : savoir l’adresse de Gosselin ; si faire se peut, le voir vous-même, lui remettre la lettre en mains propres, s’il vous parle de l’affaire, l’engager à la terminer dans le sens que je propose, le prier de s’entendre le plus tôt possible avec Renduel, et de vous envoyer, également le plus tôt possible, leur réponse commune que vous me transmettriez. — Si vous ne pouvez le voir, lui envoyer ma lettre avec un mot par lequel vous le prieriez de vous envoyer le plus tôt possible la réponse.

2° Un bon de 360 francs.

Ce bon, si vous me permettez de vous donner cet embarras, sera touché chez vous par le brave homme qui m’a rendu, en décembre 1851, un si essentiel service, Firmin Lanvin. Il viendra chez vous chercher l’argent, et vous aurez la bonté, en le lui remettant, de lui faire signer le reçu au bas du billet.

Maintenant outre ce bon, il vous sera présenté une traite de douze cents francs, payable le 10 octobre, c’est-à-dire dans six jours à partir d’aujourd’hui 4 ; je vous serai obligé de l’acquitter sur l’argent que vous avez à moi. Je crois être resté dans les limites du chiffre indiqué par vous. Je continue avec une autre plume. J’ai remarqué que, pour moi du moins, le style épistolaire faisait meilleur ménage avec l’oie qu’avec le fer. Soyez donc assez bon quand vous verrez mon vieux et cher ami Louis Boulanger, pour lui dire que je l’aime toujours. Je suis incurable à l’endroit des vieilles affections. Remerciez pour moi M. de Mirecourt de sa bonne pensée ; je me rappelle M. de Mirecourt comme un aimable et vif esprit, et je serai charmé d’être entre ses mains.

Oh ! comme nous vous avons regretté, et comme nous avons pensé à vous et radoté de vous tout le temps que nous avons eu madame de Girardin. Elle a été charmante et très brave. Elle a grimpé, elle a dégringolé ; elle s’est plongée au fond de Piémont, héroïquement, comme madame Paul. Nous avons reparlé de vous à ces beaux vieux rochers. La mer a effacé vos traces de ce sable, mais non de notre souvenir. Elle a pourtant bien fait rage depuis ce temps-là. Et l’autre jour, n’a-t-elle pas failli m’entraîner comme je me baignais à la marée descendante. C’eût été bête. J’ai encore tant de choses à faire. J’ai nagé comme un homme qui n’est pas bonapartiste et je me suis tiré de là. — Rémy va paraître enfin. — Encore trois semaines. — Je suis charmé que ma pierre soit sur vos feuillets. Elle me fait l’effet du cachet de Salomon pesant sur les génies. — Donnez-leur la volée.

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