À M me de Girardin.

[28 septembre 1854.]

J’ai lu la Joie fait peur. Quelle ravissante chose ! Je me la suis jouée et j’en ai eu dans la pensée une représentation exquise. Savez-vous comment ? Je me suis tout bêtement figuré vous la lisant. Votre sourire faisait la rampe, vos yeux étaient le lustre, votre son de voix était la musique de toutes ces âmes. Moi je faisais foule, et j’applaudissais. Quelle idée de femme que cette pièce ! Et quelle idée de poëte ! Je m’aperçois que je radote de ce bijou, et que je ne vous parle pas du tout de ce qui devrait remplir cette dernière page. Ah ! ça, est-ce que vous ne reviendrez pas cette année à Jersey ? Je mets mon île dans un cornet de papier et je vous l’offre. Daignez accepter ce bouquet.

Nous avons acquis quelques talents depuis l’an passé. Si vous veniez vous nous trouveriez montant à cheval et galopant le long de la mer. L’autre jour le colonel Téléki, après un quart d’heure de vif galop, s’est tourné vers nous et nous a dit : Bravo, cosaques ! Voilà un compliment. Je mets cette gloire à vos pieds.

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