À Paul Meurice.

Marine-Terrace, 3 7bre [1855].

Je ne sais si vous avez vu M. Larrieu et s’il vous a annoncé la lettre dont il était porteur, et que je lui ai reprise au moment où il partait, de peur qu’elle ne le compromît. Vous la trouverez sous ce pli qui va faire d’immenses promenades à passer par Londres et par Bruxelles, puis par Rochefort, avant de vous arriver. — Cher poëte, j’ai enfin lu Paris. Où trouvez-vous dans votre douceur cette force et cette puissance ? Vous empoignez, vraiment, ces grands drames cycliques avec la poigne shakespearienne. C’est un tas de scènes belles, hautes, profondes, pathétiques, charmantes, terribles, liées avec une poésie d’or et une philosophie d’azur. L’histoire était statue, vous la faites déesse, ange, spectre, et vous lui mettez dans la main gauche le tison du passé et dans la main droite l’étoile de l’avenir, et vous lui dites : marche ! — C’est beau.

Depuis qu’a été écrite la lettre que voici dans celle-ci, vous avez eu le temps de perdre — c’est à dire de gagner — votre procès. Félicitez Crémieux, remerciez Crémieux, embrassez Crémieux. Il a été tout ce qu’il est : bon, éloquent, charmant, spirituel, courageux et vrai. Les juges aussi ont été ce qu’ils sont. Ajoutez les épithètes, je vous prie.

Votre dédicace n’est pas seulement ravissante, elle est vaillante, et chacun de ces beaux vers est un acte. Je crois bien que votre libraire a eu raison, et qu’il n’en fallait pas davantage pour faire supprimer tout. Mais rien ne se perd, patience, l’or se retrouve dans la boue, et l’empire n’oxydera pas ces vers-là. — Les Contemplations marchent. Le premier volume est imprimé. Venez-donc nous voir vite, que je vous en lise sur épreuves.

L’Institut s’est-il exécuté ? En suis-je encore ?

Vale et ama nos.

Share on Twitter Share on Facebook