À Jules Janin.


16 août 1856.

Je ne suis rien, je vous l’ai dit en vers comme je vous le dis en prose ; mais aujourd’hui la situation est telle que dire mon nom, c’est protester ; dire mon nom, c’est nier le despotisme ; dire mon nom, c’est affirmer la liberté, et ce nom militant, ce nom déchiré, ce nom proscrit, vous le dites avec tant d’intrépidité !... Vous le chantez comme avec un clairon et vous jetez tout ce qu’il contient de guerre à la face de l’empire et de l’empereur. Je ne vous en remercie pas, je vous en félicite.

Figurez-vous qu’en ce moment, je fais bâtir presque une maison ; n’ayant plus la patrie, je veux avoir le toit. L’Angleterre n’est pourtant guère meilleure gardienne de mon foyer que la France. Ce pauvre foyer, la France l’a brisé, la Belgique l’a brisé. Jersey l’a brisé ; je le rebâtis avec une patience de fourmi. Cette fois, si l’on me rechasse encore, je veux forcer l’honnête et prude Albion à faire une grosse chose ; je veux la forcer à fouler aux pieds un at home, la fameuse citadelle anglaise, le sanctuaire inviolable du citoyen.

Le curieux, c’est que c’est la littérature qui m’a fourni les frais de cette expérience politique. La maison de Guernesey avec ses trois étages, son toit, son jardin, son perron, sa crypte, sa basse-cour, son look-out et sa plate-forme, sort tout entière des Contemplations. Depuis la première poutre jusqu’à la dernière tuile. Les Contemplations paieront tout. Ce livre m’a donné un toit, et un jour que vous aurez du temps à perdre et à nous faire gagner, vous qui avez aimé le poëme, vous viendrez voir le logis.

À Marine-Terrace, j’étais à l’auberge, l’Angleterre s’en est fait une excuse pour sa couardise

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