À Louis Boulanger.

Hauteville-House, 24 mai [1856].

Quelle bonne chose, cher Louis, que cette chaleur vivace des vieilles amitiés ! Il m’a semblé que vos lettres me serraient la main. Je nous ai revus — bon baragouin qui rend ma pensée — dans ce radieux temps des Orientales, quand nous étions deux jeunes gens, deux passants de la plaine de Vaugirard, deux contemplateurs du soleil couchant derrière le dôme des Invalides, deux frères, vous le peintre éblouissant de Mazeppa, moi le rêveur promis à l’inconnu et à l’infini.

Aujourd’hui vous êtes heureux, vous me l’écrivez, je le sens, et je vous aime.

Vous avez lu ce livre et vous y avez senti mon cœur. Je sens le vôtre à la façon dont vous m’en parlez. Je voudrais maintenant connaître votre femme ; je la devine noble et charmante ; vous rayonnez pour moi comme dans une douce auréole ; vous me faites l’effet d’être resté dans la jeunesse. Et moi, du fond de cet immense assombrissement crépusculaire qui m’enveloppe, cher Louis, je vous envoie, à elle et à vous, toutes les tendresses de mon âme dans un serrement de main.

Tuus.

Victor Hugo.

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