À George Sand.

Hauteville-House, 21 août 1859.

Voulez-vous, madame, me permettre de vous dire que je suis toujours à vos pieds. Il est dans ma nature de persister, et ce n’est certes pas dans mon admiration et dans mon tendre respect pour vous que je puis défaillir. Ne prenez donc pas mes longs silences pour oubli. Je travaille et je songe dans ma solitude, et je pense aux nobles esprits qui comme vous entretiennent en France le feu de cette grande vestale qu’on appelle l’idée. Oui, vous avez de l’idéal en vous ; répandez-le, répandez-le sur cette pauvre foule d’à présent saturée de matière et de brutalité ; faites votre auguste fonction de prêtresse, et je vous remercie du fond de l’âme.

Puisque je vous écris, je ne veux pas fermer ma lettre sans mettre sous ce pli quelques lignes que je ne puis publier en France et que vous trouverez toutes simples au sujet de la dernière insolence de ce malheureux réussisseur.

Quand viendrez-vous rayonner dans mon ombre ? — Cher et grand esprit, je vous aime et je vous vénère.

Victor Hugo.

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