À Jules Simon

Hauteville-House, 25 juin [1859].

Monsieur, votre beau livre, La Liberté, a mis beaucoup de temps à m’arriver et j’ai mis beaucoup de temps à le lire et à le méditer. Ne vous étonnez donc pas si j’ai tant tardé à vous remercier. Je ne m’en excuse point. Cette lenteur importe peu. Des ouvrages comme les vôtres sont patients parce qu’ils sont durables.

C’est presque un code que vous avez écrit là. Il y a d’un bout à l’autre un vrai souffle de législation.

Je ne suis pas d’accord avec vous sur tous les points. Mais nos dissidences sont rares, et il m’est arrivé bien des fois d’avoir en vous lisant cette sorte de surprise et de ravissement qu’on éprouve devant sa propre pensée intime admirablement dite par un autre. Votre chapitre sur la propriété est en particulier une de vos pages les plus profondes et les plus décisives. C’est un grand don, et vous l’avez, que de fortifier l’idée irréfutable par le style entraînant. Ces deux volumes, où l’histoire est si puissamment appelée au secours de la philosophie et le fait au secours de l’idéal, prendront place, monsieur, parmi vos plus belles œuvres. Vous avez choisi la grande heure pour défendre la Liberté. Il n’y a pas de plus beau moment que la nuit pour glorifier la lumière.

Trouvez bon, monsieur, que je vous serre cordialement la main.

Victor Hugo.

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