À Madame de Solms.

H.-H., 19 novembre [1859].

Vous m’envoyez une rose ; qu’allez-vous dire, madame, en recevant pour remercîment cette figure sévère ? Que voulez-vous, le plus farouche songeur du monde ne peut donner que ce qu’il a. Laissez-moi ajouter ceci : vous êtes adorable.

C’est là un mot dangereux de près, et même de loin, pour celui qui le prononce. Mais je suis, moi, dans une telle nuée, si épaisse, si obscure, si profonde, que je puis me permettre de ces éclairs-là. Cela expirera à vos pieds comme un hommage. D’ailleurs, il me semble que je commence à être un mort. Les galanteries d’un fantôme ont peu d’inconvénient.

Vous me priez d’aller à Paris en termes charmants, vous avez la bonté de m’y souhaiter un peu ; mais si j’y allais, vous ne me le pardonneriez pas. Vous avez beau être une ravissante femme ; il y a en vous un homme ; vous comprenez le devoir, et vous diriez en me voyant : voici une sentinelle qui a quitté son poste.

Vous pouvez y aller, vous. Ce devoir public est moins absolu pour votre sexe. D’ailleurs vous avez longtemps et noblement lutté contre le crime en plein triomphe. Allez donc à Paris, madame, et régnez-y plus que ceux qui règnent, et soyez ce que vous êtes. Pas de rang, pas de titre, vous n’en avez pas besoin ; vous avez le rang de la fleur et le titre de l’étoile ; vous êtes esprit. âme, flamme, rayon. Être de la famille de l’empereur, voilà grand’chose, quand on est de la parenté du soleil.

Je suis à vos pieds, madame.

V. H.

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