À Madame Victor Hugo.

Mardi 24 [mai 1859].

Chère amie, Charles nous est arrivé ce matin. Nous avons passé la matinée à parler de toi et d’Adèle. Londres a ennuyé Charles, mais ne produit pas le même effet sur vous, et je suis charmé que ce voyage vous ait donné la distraction que vous en attendiez. Je suis en proie à un mal de tête assez tenace.

Je vais essayer de quelques jours de Serk. Nous partons après-demain jeudi. J’ai reçu aujourd’hui les premières épreuves de La Légende des Siècles. Et à ce sujet Hetzel m’écrit pour me prier de prier Vacquerie d’une chose dont je te prie à mon tour. Voici le fait : Il importe à Hetzel, pour ses combinaisons d’affaires, que les libraires et éditeurs de Paris me croient encore très indécis sur le moment ou je publierai « La Légende des Siècles » et refusant (moi) de livrer immédiatement le manuscrit à Hetzel. Or Auguste, sans le vouloir, a détraqué cela. Il a dit à Michel Lévy que j’avais envoyé le premier volume à Bruxelles. De là plusieurs inconvénients pour Hetzel. Il serait à désirer qu’Auguste trouvât moyen de revenir là-dessus le plus tôt qu’il pourra, et de dire au même Michel Lévy, qu’il s’était trompé, que je continue d’être indécis, que je n’ai envoyé qu’une partie du premier volume et qu’Hetzel, qui me presse, n’est pas tranquille. Voilà les propres paroles qu’Hetzel désire et que je transcris dans sa lettre. Transmets-les à Auguste, qui dans sa sagesse avisera. Envoie-moi par la poste un numéro du Nord qu’Auguste t’a adressé pour me le renvoyer. C’est lui-même qui me l’écrit. Ce numéro contient un article de M. de Pène sur Auguste, et il veut que je le lise, cet article me concernant beaucoup. Je te recommande de ne pas oublier cet envoi.

Charles me dit que tu te renfermeras strictement dans l’argent que je t’ai remis pour ton voyage et que tu ne le dépasseras pas d’un sou, mais que tu économises le plus que tu peux pour pouvoir rester à Londres quelques jours de plus que le mois. Dans ces termes-là, je n’y ferais pas d’objection. Seulement, chère amie, renferme-toi bien en effet dans ton petit budget tel que nous l’avons fixé. — Tu sais ma gêne actuelle que viennent encore augmenter les achats désirés et recommandés par Charles. — Dieu aidant nous nous en tirerons, mais le moment actuel est étroit.

Je t’embrasse, chère bonne amie ; j’embrasse ma petite Adèle bien-aimée.

Amusez-vous toutes les deux, et revenez-nous bien contentes. Remercie de ma part madame Milner Gibson de toutes ses charmantes bonnes grâces pour vous deux.

Share on Twitter Share on Facebook