À Paul Meurice.

Hauteville-House, 4 7bre [1859].

Hier quelqu’un arrivant de Londres m’a annoncé qu’un fragment de La Lég. des Siècles avait paru le 1er 7bre dans une revue qui ne m’est connue que par une hostilité de vingt-cinq ans ; cela m’a horripilé ; j’ai écrit à Hetzel une lettre stupéfaite et assez hérissée. Aujourd’hui, ladite lettre n’étant pas encore partie, j’en reçois une de Bruxelles où l’on me dit que la communication du fragment vient de vous. Admirable effet de votre nom et de ma confiance absolue envers vous ! Cela m’a apaisé à l’instant même. Je me suis dit que vous deviez avoir de bonnes raisons et que vous me les diriez. Et j’ai mis une sourdine à ma lettre à Hetzel. — Maintenant, cette insertion nous met dans la nécessité de prendre Claye aux dents et de paraître le plus tôt possible, le 12 s’il se peut, mais nécessairement avant le 15, pour que la publication d’un fragment si longtemps d’avance ne nous déflore pas trop en pure perte. — Je vous envoie en conséquence le titre avec la ligne des Petites Épopées de plus. J’y ajoute la couverture sur laquelle je vous serai obligé de veiller. Il y faut mon catalogue tel qu’il est, au moins sur le verso du tome premier ; le mieux serait qu’il fût sur les deux. — Vous devez avoir la Préface ; voudrez-vous veiller à ce qu’on ne répète pas la bévue de Bruxelles, et à ce que cette prose ne soit pas imprimée dans le même caractère que les vers ; plus gros ou plus fin, comme on voudra. Je vous recommande, mon admirable ami, la correction bien attentive de tout cela. Quand vous aurez ou si vous avez déjà la feuille 16 du tome II, veuillez y corriger une grosse faute, page 245, vers 6, au lieu de :

Et, du haut des cieux, Prométhée !


il faut :

Et, du haut des monts, Prométhée !

Je suis de votre avis sur l’écusson en question, et j’ai écrit à Hetzel pour savoir s’il est obligé. En tout cas, il n’est point beau. — J’ai déjà lu toute la fin du tome Ier, bonnes feuilles, et les trois premières bonnes feuilles du tome II. Avec quel merveilleux soin vous avez corrigé cela ! Il y a des fautes, mais qui ne sont pas de votre faute. Je ne parle pas de la ponctuation. La ponctuation belge a la maladie des virgules ; on a beau faire, ces vermicules se glissent partout, et coupent les phrases et hachent les vers à faire horreur. Toute largeur et toute ampleur disparaît sous cette vermine. Je m’y résigne, hélas. Mais il est triste de faire ce vers :

Elle ayant l’air plus triste et lui l’air plus farouche


et de le retrouver ainsi tatoué et marqué de petite vérole :

Elle, ayant l’air plus triste, et lui, l’air plus farouche.

Si vous saviez comme la virgule s’acharne et renaît sous le deleatur ! Enfin, j’arrive au fait. Sur les feuilles 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, du tome I et I, 2, 3, du tome II que j’ai vérifiées, il y aura quatre cartons nécessaires à faire.

On eût évité tout cela, en m’envoyant les épreuves, je suis bien de votre avis, et certes ce n’est pas le temps qui a manqué. Soyez assez bon pour me faire renvoyer le plus tôt possible, les sept bonnes feuilles des 7 premières du tome Ier, et aussi toutes les nouvelles bonnes feuilles du tome II qui donnent les tirages en ce moment, et aussi la préface et les titres, couvertures, etc. Pour la dédicace à la France, copier la disposition de la page qui vous sera envoyée de Bruxelles. Le filet du milieu de la page doit être très fin, très court, très léger.

Je finis comme toujours par des actions de grâces. Gratias tibi ago, fratelle. Ma belle-sœur m’a apporté les notes sur Torquemada. Merci encore et toujours. La note biographique extraite du dictionnaire commence ainsi : Thomas Torquemada, de la même famille que le précédent. — Or, je voudrais être fixé sur cette famille. Vous serait-il possible de la chercher dans la biographie du précédent. Que de peines je vous donne !

Vous remarquerez sur le titre que le mot Les Petites Épopées doit saillir un peu (par l’épaississement des lettres).

Avant de fermer cette lettre, je viens de lire les trois bonnes feuilles 4, 5, 6 du tome deux. J’ai donc tout revu, j’attends les autres. Il n’y a pas de nouveaux cartons à faire dans ces trois dernières feuilles. C’est donc en tout, dans ce que j’ai revu jusqu’à présent, quatre cartons. Soyez assez bon, cher ami, pour les recommander bien expressément aux imprimeurs.

Je finis par un barbarisme qui dit bien ce que je suis pour vous.

Tuissimus.

V.

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