À Paul Chenay.

Hauteville-House dimanche 24 juin 1860.

Mon excellent et cher beau-frère, salut. Vous avez fait une fort belle chose que M. Hetzel nous apporte, mon portrait d’après la photographie. Cela est parfait de réalité, de vie, de finesse, de pensée, de regard. Pour que ce fût ce qu’est votre pendu, tout à fait un chef-d’œuvre, il suffirait de bien peu de chose. Vous n’auriez qu’à enlever un gonflement qui, peu marqué à la joue gauche, (je parle de la gauche et de la droite, non du portrait, mais du spectateur), est très sensible à la joue droite. Quelques retouches comme vous les savez faire enlèveraient cette petite fluxion qui alourdit le bas du visage, rétabliraient la ressemblance absolue avec la photographie et votre portrait serait absolument admirable. Ce n’est rien et c’est tout. Car vous, artiste supérieur, vous connaissez cette loi de l’art : achever. En une heure ou deux, vous aurez fait de lui quelque chose d’achevé. Du reste, je vous le répète, toutes vos qualités sont là : couleur, lumière, délicatesse et fermeté du burin. Je vous envoie mon plus cordial bravo.

Songez bien à ceci : en Allemagne, en Belgique, à Haïti surtout, le John Brown serait une très belle affaire. Cela me revient de toutes parts. Parlez-en à notre excellent Hetzel, quand il sera à Paris.

Soyez assez bon pour me renvoyer mon dessin bien réemballé dès que vous aurez une occasion sûre, avec le nombre d’exemplaires de la gravure, que vous pourrez me donner. Je n’ai encore qu’une épreuve d’essai. Si vous n’avez pas d’occasion plus proche, Meurice voudra peut-être bien s’en charger et viendra dans trois mois.

J’embrasse sur les deux joues ma bonne petite Julie et je serre fraternellement vos mains dans les miennes.

V. H.

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