À Albert Lacroix.

Hauteville-House, samedi 12 [octobre 1861].

Monsieur,

Mon fils m’écrit votre retour à Bruxelles, je vous serais obligé de m’informer, le plus tôt qu’il vous sera possible, de ce que vous avez pu arranger ou conclure au sujet du traité Gosselin-Renduel. D’ici là je garde le silence, mais le silence devient très difficile à garder. On m’écrit qu’un journal de Bruxelles, l’Uylenspiegel annonce que les Misérables vous ont été vendus 140 000 fr. Une énonciation si fort au-dessous de la vérité est fâcheuse, et non moins préjudiciable à vos intérêts qu’aux miens. Je crois qu’il serait urgent de la rectifier avant qu’elle se répande, en faisant publier par L’Indépendance belge que les Misérables vous ont été vendus pour douze années moyennant 240 000 fr. argent comptant (plus 60 000 francs éventuels, pour revenir à votre chiffre de 300 000 fr.). L’annonce faite en ces termes effacerait l’autre. Vous pourriez y joindre quelques détails sur le livre, sur l’époque de la mise en vente de la première partie : Fantine, la seconde : Cosette et Marius, et la troisième : Jean Valjean, qui seront comme les trois actes du drame social et historique du dix-neuvième siècle. Ajouter que l’ouvrage aura sept ou huit volumes, et que chaque partie fera une sorte de tout, ou de drame distinct tournant autour d’un personnage central , etc.

J’attends un mot de vous qui me délie la langue, et je vous offre ma cordialité la plus distinguée.

Victor Hugo.

Share on Twitter Share on Facebook