À Messieurs Gimeppe Palmeri, Luigi Porta, Savetio Friscia, Membres du Comité unitaire italien, à Palerme.

Bruxelles, 21 juin 1861.

Messieurs,

Dans une lettre éloquente et qui me touche profondément, vous m’annoncez que mon nom vient d’être inscrit sur la liste de l’Association unitaire italienne, par décision spontanée et unanime de la société tout entière.

J’accepte avec joie la place que vous m’offrez parmi vous. Je m’unirai ardemment à vos efforts, dans la limite de mon devoir démocratique. Vous me remerciez magnifiquement du peu que j’ai fait ; un tel remercîment est une récompense.

Membres du Comité unitaire italien, votre œuvre est sainte.

La restauration d’un grand peuple est plus qu’une restauration, c’est une résurrection. Toutes les forces du progrès convergent au même but que vous, et vous aident. En fondant l’Italie, vous ne travaillez pas seulement pour la patrie, vous travaillez pour le monde. L’Italie une est un besoin de la civilisation.

La grande Europe de l’avenir s’ébauche à l’heure où nous sommes. La tendance des peuples est de se grouper par races pour en venir à se grouper par continents. Ce sont là deux phases de la civilisation qui s’enchaînent logiquement, l’une amenant l’autre ; l’unité nationale d’abord, l’union continentale ensuite. Ces deux progrès seront l’œuvre du dix-neuvième siècle ; il a déjà presque accompli le premier, il ne s’achèvera point sans avoir accompli le second.

Une époque viendra où les frontières disparaîtront. Toutes les guerres se dissoudront dans la fraternité des races. Ce sera le grand jour de la patrie humaine.

En attendant ces sublimes réalisations de l’avenir, continuez, persévérez, marchez ; que tous les hommes d’intelligence et de cœur fassent leur devoir actuel ; que chaque nation réclame son unité, apport nécessaire de chaque peuple dans l’immense pacte fédéral futur ; qu’une haute philosophie politique pénètre la diplomatie elle-même et la transforme ; que quiconque mutile ou diminue un peuple soit mis au ban de l’humanité. Soyons tous compatriotes dans le progrès, et redisons tous, aussi bien au point de vue européen qu’au point de vue italien : Il faut que l’Italie ait Venise et Rome ; car sans Rome et Venise, pas d’Italie, et sans Italie pas d’Europe.

Recevez, messieurs les Membres du Comité directeur, pour vous personnellement, et veuillez transmettre à tous les membres de l’Association unitaire italienne l’expression de mes vifs remercîments et de mes profondes sympathies.

Victor Hugo.

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