À M. Marius Trussy.

Hauteville-House, 14 juillet 1862.

J’ai Margarido, monsieur, et je viens de lire ce beau et charmant poëme. Margarido c’est la Provence. Votre Provence, cette presque Italie, est dans Margarido comme le Latium est dans les Bucoliques.

La Provence est une forêt vierge de poésie. Tout y rayonne, tout y fleurit, tout y chante. La langue est douce, le peuple est bon, le paysage est chaud ; le soleil, la femme, l’amour sont là chez eux. J’ai vu la Provence, il y a vingt-cinq ans, et j’en ai encore le resplendissement dans les yeux et dans l’âme. Vous êtes, vous et M. Mistral, les poëtes de cet Éden.

Quoique votre drame ait des aspects douloureux et sombres, la sereine clarté méridionale le pénètre et l’apaise. On y sent le reflet de la Méditerranée, moins farouche que celui de l’Océan. La Provence chante même quand elle pleure. Vous avez mis toute cette lumière dans votre œuvre. On est charmé, ce qui n’empêche pas d’être attendri.

Je vous remercie, poëte, et je vous applaudis.

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