À Théodore de Banville.


Hauteville-House, 8 juillet,

[1862 au crayon].

Comprenez-vous mon embarras, Poëte ? Mes ennemis me défendent de remercier mes amis. Je suis au centre d’un acharnement et d’un combat, toutes les vieilles cliques absolutistes et bigotes s’en donnent à cœur joie, cela me plaît du reste et j’aime cette guerre où la vérité ne peut manquer de vaincre, mais j’aime aussi que la vérité ait des auxiliaires ; or, si dans cette lutte, j’ai le malheur de donner le moindre signe de sympathie aux vaillants qui combattent du même côté que moi, on crie Haro ! On scrute mes lettres, on compte les lignes, on pèse les mots. Et voilà où j’en suis. Maintenant si après avoir lu ce que vous venez d’écrire dans Le Boulevard, je me risque à vous dire : vous avez fait là une page magnifique, vous êtes un superbe et charmant esprit, la cordialité que vous me témoignez a pour source votre dévouement à la cause des malheureux que je défends, — si je vous dis cela, et bien d’autres choses encore que je pense, c’est fini, je suis dénoncé comme pris en flagrant délit d’amitié et de reconnaissance. Eh bien, tant pis, je vous aime.

Victor Hugo.

Voulez-vous bien vous charger de dire à M. Ch. Bataille combien je suis ému et charmé de tout ce qu’il m’envoie d’excellent. — Je n’ai pas encore son livre. Je l’attends impatiemment. Mes amis m’en disent merveille.

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