Au ministre de la République de Colombie.

Hauteville-House, 12 octobre 1863.

J’espère que quelque journal vous aura appris mon absence de Guernesey depuis la fin de juillet et que le retard de ma réponse vous est ainsi déjà expliqué. Je n’ouvre qu’aujourd’hui votre honorable lettre du 17 août, étant de retour depuis hier seulement.

Je ne saurais vous dire combien votre communication me touche. J’ai dévoué ma vie au progrès, et le point de départ du progrès sur la terre, c’est l’inviolabilité de la vie humaine. De ce principe découlent la fin de la guerre et l’abolition de l’échafaud.

La fin de la guerre et l’abolition de l’échafaud, c’est la suppression du glaive. Le glaive supprimé, le despotisme s’évanouit. Il n’a plus ni raison d’être, ni moyen d’être.

Vous me remettez, au nom de votre libre République, un exemplaire de votre Constitution. Votre Constitution abolit la peine de mort, et vous voulez bien m’attribuer une part dans ce magnifique progrès. Je remercie avec une émotion profonde la République des États-Unis de Colombie.

En abolissant la peine de mort, elle donne un admirable exemple. Elle fait un double pas, l’un vers le bonheur, l’autre vers la gloire.

La grande voie est ouverte. Que l’Amérique marche, l’Europe suivra.

Transmettez, monsieur l’envoyé extraordinaire, l’expression de ma reconnaissance à vos nobles et libres concitoyens, et recevez l’assurance de ma haute considération.

Victor Hugo.

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