À Madame Victor Hugo.

H.-H. 7 février [1864].

Ta douce plainte me va au cœur. Chère amie, les jours sont courts, je travaille, et mes yeux sont fatigués. En outre en ce moment j’ai des insomnies opiniâtres, ce qui fait que j’ai du travail sans repos. Je me lève le matin presque comme je me suis couché le soir, sans avoir fermé l’œil. Puis me voilà debout, et travaillant. Cela t’explique pourquoi je ne t’ai pas écrit. Mais, vous le savez bien, mes lettres sont pour tous.

Je vous aime tous trois comme un. Je voudrais bien dire tous quatre, et qu’Adèle fut là. Hélas ! — Mon Victor bien-aimé, le portrait achève ce que ta lettre, si ravissante, avait commencé. Au reste, il y a longtemps que ton frère et toi êtes adorés par ce cœur-là. — Soigne bien ton estomac. Mange de la viande rouge et noire, rôtie. Ne travaille jamais l’estomac plein. Marche beaucoup, et dors bien. Tels sont les ordres que je suis chargé de te transmettre. — Mon Charles, tiens-moi au courant de l’affaire entamée, ou plutôt ébauchée. Comment va ma petite Lux ? — Chère amie, je t’envoie sous ce pli une traite de 600 fr. à vue sur Paris. Les raisons que tu me donnes pour quitter ce boarding-house me semblent très bonnes. Dis à Marianne que je suis content que tu sois contente d’elle. Ici tout est bien. Je reçois des montagnes de livres et des avalanches de lettres. Il y a là-dedans bien des choses que nous eussions lues au dessert, tu sais, mon Victor. Mais ces charmants jours sont passés. Je travaille, je travaille. Bruxelles est au bout de mon livre. Il me tarde de vous revoir tous, mes bien-aimés.

V.

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