À Philippe Burty.

Hauteville-House, 4 juin 1865.

Cher monsieur,

Vous n’avez pas reçu en vain une charmante et profonde intelligence, vous devez tout comprendre, même qu’on soit en retard avec un homme comme vous, même qu’on réponde le 4 juin à une lettre du 4 janvier. Tout m’est parvenu ; vous êtes un tentateur ; vous m’envoyez tout ce qui peut m’attirer dans l’eau-forte ; j’y penche, vous, vous voulez m’y faire tomber. Je résiste le plus que je peux. Ce travail me charmerait, mais ai-je du temps pour mon plaisir, moi qui ai à peine le temps pour mon devoir ? Je suis levé à cinq heures du matin, je travaille sans cesse, et vous voyez qu’en dépit de ma bonne volonté, une réponse de moi se fait attendre six mois. Je suis bien content que mon dessin carte de visite vous ait fait plaisir. C’est ma maison du vieux Blois dont j’ai pris le croquis. Elle est aujourd’hui démolie. Je suis épris de la Gazette des Beaux-Arts. C’est vraiment un inappréciable recueil, et quant à la splendide eau-forte de ce pauvre grand artiste, je connais peu de choses plus belles et je n’en connais pas de plus navrante. J’intitule cela « Paris Fou ». Je pars dans quinze jours pour une excursion de trois mois. Je serai de retour à l’automne.

Venez donc me voir sur ma roche, regarder mon océan et manger mon raisin.

Je vous serre la main.

Victor Hugo.

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