À Théodore de Banville.

Hauteville-House, 21 mai [1865].

J’achève, cher poëte, votre nouveau recueil. Avant de le relire, je vous écris. C’est un de vos plus charmants livres. Que de raison, que de vérité, que de science et d’art dans cette gaîté ! et comme c’est exquis, la sagesse masquée de grâce ! Vous savez que depuis longtemps j’ai dit que vous êtes un grand poëte de l’Anthologie. Rien ne manque à cette lyre forte et délicate que vous avez dans l’esprit. Vous avez le grand vol et le doux murmure, la gentillesse, l’élégance gamine du moineau franc, le sautillement de branche en branche, et tout à coup de puissants coups d’aile et la fuite à travers les nuées. Tout cela, c’est le poëte.

À M. Alexandre Laya.

Hauteville-House, 3 juin 1865.

C’est, monsieur, le 31 mai, il y a quatre jours seulement, que votre livre excellent m’est parvenu. Je l’ai lu avec émotion, et aussi avec reconnaissance, car vous me citez dans un de vos plus remarquables chapitres (abolition de la surveillance légale). Vous avez, monsieur, la science du juriste et l’initiative du philosophe ; ceci est la double force de votre livre. Vous mettez hardiment et noblement à nu ces misères organiques que vous nommez avec une éloquente énergie : Les Plaies légales. Vous réclamez contre ce que j’ai appelé un jour à la tribune : l’irréparable et l’indissoluble ; deux murailles terribles, que l’homme n’a pas le droit de construire et qu’il édifie pourtant, l’une dans la loi pénale, l’autre dans la loi sociale. Vous apportez à votre tour votre protestation contre l’iniquité rédigée en code. C’est bien, en attendant mieux… Vous verrez ce beau succès et vous en aurez votre part.

Je vous serre la main,

Victor Hugo.

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