H.-H., 27 février [1866].
Mon honorable et cher ancien ami, je suis bien sensible à votre lettre excellente. C’est une joie pour moi de renouer avec vous nos bonnes relations d’autrefois. Vos offres sont les plus splendides qui aient jamais été faites à un écrivain ; je vous donne acte de votre magnificence, mais la raison d’art pour moi passe avant tout, et votre million à partager ne peut lui-même vaincre mon scrupule d’artiste. J’ai la conviction que Les Travailleurs de la Mer ne sauraient se découper en feuilletons.
Ce mode de publication, excellent du reste et que je suis loin de répudier, conviendra peut-être au roman Quatrevingt-treize qui est le livre auquel je travaille maintenant.
Votre lettre et la dépêche télégraphique ne me sont arrivées qu’hier. Notre cher ami commun, M. Paul Meurice, vous expliquera cet isolement de Guernesey. Je suis ici dans une solitude sérieuse.
Mes raisons pour résister à vos offres si superbes et si noblement faites, vous les comprendrez et vous m’en saurez gré. Elles sont toutes puisées dans ma conscience littéraire. C’est elle, quelque regret que j’en puisse avoir, qui me force à baisser pudiquement les yeux devant un demi-million. C’est sous la forme livre que Les Travailleurs de la Mer doivent paraître. Quand ils seront publiés, vous serez certainement de mon avis.
Je vous remercie avec effusion de votre ouverture si cordiale. Laissez-moi mettre un peu d’avenir dans le serrement de main que je vous envoie.
V.