À Louis Ulbach.

Hauteville-House, 27 février [1866], midi.

Mon éloquent et excellent cher confrère.

Je reçois vos deux lettres en même temps, et je viens répondre tout de suite. Il n’y a pas pour moi d’hésitation, quoique les raisons données par vous soient toutes belles, nobles et bonnes, et quoique jamais offres aussi magnifiques n’aient été faites à un écrivain, je dois les décliner. Pour moi, la raison d’art prime tout, et je considère comme impossible de découper ce livre en feuilletons.

C’est donc un regret que je dois exprimer, j’y ajoute un remerciement.

Du reste, je vois avec peine plusieurs journaux et une partie du public m’attribuer, pour le mode de publication d’un livre par feuilletons, un éloignement que je suis loin d’avoir.

Je n’ai là-dessus aucun parti-pris ni aucun préjugé ; des noms illustres ont consacré ce procédé excellent de publication. C’est une admirable forme de publicité populaire en même temps que littéraire. Les Travailleurs de la Mer (et vous serez de mon avis) s’y encadreraient difficilement, mais ce mode de publication s’adaptera peut-être à merveille au roman Quatrevingt-treize auquel je travaille en ce moment.

Je ferme bien vite cette lettre pour qu’elle parte, la première politesse est de ne pas faire attendre la réponse.

Vous êtes donc venus trois à Saint-Malo ! Quel regret pour moi que la mer ait empêché votre passage ! Comme Hauteville-House se fût ouvert à deux battants !

Votre ami,

Victor Hugo.

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