À Monsieur Boué de Villiers.

H. H. Dim. 22 mai [1866].

Je ne suis pas plus ruiné aujourd’hui que je n’étais aveugle il y a trois mois. Grâce aux quatre ou cinq drôles qui mènent le monde, la guerre prend sur toutes les fortunes, et la baisse est si énorme que, moi simple particulier, au cas où j’eusse voulu réaliser il y a quinze jours, j’eusse perdu au moins 120 000 fr., et cela sur les meilleurs fonds de l’Europe, la Banque nationale belge et les consolidés anglais. Mais pourquoi réaliser ? Vous savez ma manière. J’attends. Cela remonte en ce moment. Cela retombera encore bien plus bas, si la guerre éclate, et alors, je pourrai bien être un peu ruiné, comme tout le monde. L’Europe est un navire et le naufrage se fait en commun.

Donc calme profond dans mon âme.

Mais je plains ces pauvres bêtes de peuples. Comme ils se laissent faire, et qu’il leur serait facile d’être heureux ! Pouvoir n’est rien sans vouloir ; vouloir n’est rien sans savoir. Éclairons-les.

Cher proscrit, vous avez mis dans votre lettre votre grande intelligence et votre généreux cœur. Merci.

V. H.

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