Hauteville-House, 6 janvier 1866.

Vous avez su, peut-être, monsieur, que j’ai eu bien mal aux yeux ; quelques journaux ont été jusqu’à me faire aveugle, honneur homérique auquel je ne prétends pas ! — J’ai lu dans les journaux anglais des détails authentiques sur ma cécité complète : ce qui m’a rassuré, c’est que je les ai lus !

Cette ophtalmie, un moment fort aiguë, fort douloureuse, et assez importune, vous a expliqué mon long silence. Aujourd’hui, me voilà rentré en pleine possession du droit de lire et d’écrire, et j’en profite pour me tourner vers vous.

Vous avez parlé des Chansons des Rues et des Bois avec une élévation d’idées et de style qui m’a charmé et touché. Je tiens à vous le dire. Les esprits tels que vous ignorent les passions basses ; ils ont la hauteur de vues qui donne l’impartialité ; ils ont la sérénité du talent qui donne la justice. De là leur influence sur le public.

Je vous remercie ex intimo animo.

On m’assure qu’un honorable critique déclare m’avoir tué ; — par métaphore j’espère !

Recevez le cordial serrement de main d’un aveugle qui y voit clair et d’un homme tué qui se porte bien.

Victor Hugo.

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