Hauteville-House, 20 janvier 1866.

J’ai écrit, cher monsieur, afin qu’on m’envoie de la librairie Lacroix le précieux exemplaire déposé pour moi par vous. Vous m’avez remercié de mon dessin genevois par vingt lignes charmantes et cordiales.

La Presse m’a apporté le gracieux reçu. Personne n’a plus autorité que vous dans les choses d’art, et en lisant ce que vous dites de mes croquis de passant et d’amateur, je me tiens à quatre pour ne pas être pris de vanité. Heureusement, la raison me revient vite et je me dis : « Vieille bête de poëte, ne vas-tu pas te figurer que tu es peintre ! Contente-toi de voir et de montrer des torchons radieux ou tiens-toi tranquille ». Ce monologue me calme, me ramène à mes proportions. C’est égal, vous êtes un esprit charmant, délicat et fort ; vous habitez la patrie, vous pouvez quand bon vous semble aller voir Notre-Dame et le Départ de l’Ange de Rembrandt, vous avez la plus exquise petite fille qui soit au monde et je me déclare effrontément votre envieux.

Victor Hugo.

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