À Jules Lermina.

Hauteville-House, 9 janvier 1868.

Mon jeune et brillant confrère, vous complétez votre œuvre démocratique. À la propagande littéraire vous allez joindre la propagande politique. Vous avez le talent, vous avez la volonté, vous avez le courage, et de plus l’épreuve vaillamment traversée. Je vous applaudis.

Le secret du succès, vous l’avez : Franchise. Vous réussirez.

Tenez vos promesses ; tenez-les toutes, et soyez tranquille. Vous vaincrez. Soyez le journal acceptant pleinement la révolution, l’acceptant dans 1789, formule de ses principes, et dans 1830, formule de ses idées ; combattant la réaction littéraire comme la réaction politique ; signalant dans la critique doctrinaire comme dans la politique absolutiste le même effort rétrograde ; dirigeant le socialisme vers les hauteurs, et plutôt du côté du droit que du côté des appétits ; réclamant en tout la libre pensée, la libre parole, la libre association, la libre affinité, la libre publicité, le libre mouvement, la libre conscience ; exigeant l’enseignement pour tous, parce qu’il importe de remplir de lumière l’homme qui est le travail, la femme qui est la famille et l’enfant qui est l’avenir. Admirez le seizième siècle, étudiez le dix-septième, aimez le dix-huitième, et soyez le dix-neuvième siècle.

Vous avez les deux leviers, la force individuelle et la force collective. Personnellement vous êtes un homme, chose puissante, et, par vos amis, vous êtes un groupe, chose invincible. Toutes sortes de talents consciencieux, charmants et vigoureux concourent à votre œuvre.

Courage donc. Déployez toutes vos ailes, couvrez-vous de l’armure des principes, luttez contre la matière qui s’appelle césarisme avec cette toute-puissance impalpable, la pensée. L’absolutisme vous fait face, confrontez-lui la liberté. Il a les soldats, vous avez les idées ; il a son chassepot, vous avez votre âme. Opposez au militarisme le progrès, aux fabrications d’armes l’ascension vers la paix, au papisme la lumière, aux préjugés la volonté de délivrance, au droit divin le droit humain, aux sultans, aux czars, etc., le soleil qui se lèvera demain ; aux échafauds, la sainteté inviolable de la vie, aux parasitismes la justice, aux fureurs le sourire, et, devant le Fusil-Merveille, soyez l’Esprit-Légion. Armée contre armée.

À Auguste Vacquerie.

H.-H., 9 [janvier 1868].

Cher Auguste, M. Chifflart qui vous remettra ce mot est un grand talent. Il va illustrer les Travailleurs de la mer. Il est venu passer quinze jours avec Gilliatt et moi, et il quitte demain Guernesey pour Paris. Vous verrez ses dessins, et vous comprendrez que j’appelle sur lui votre plus haute cordialité.

A vous, Ahura y siempre.

V. H.

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