À Monsieur Léonard Chodzko.

Bruxelles, 12 août 1868.

Monsieur,

Le désir que vous m’exprimez, au nom de la Pologne proscrite, me touche et m’honore. C’est de Belgique que je vous réponds. Un devoir de famille, qui m’a appelé à Bruxelles, m’y retient, et me privera, à mon grand regret, de l’honneur d’assister à la solennité que vous présidez.

Je serai avec vous, quoique absent. La vraie présence, c’est la solidarité.

Où palpite l’âme de la Pologne, le cœur de la France bat.

La proscription grandit ce qu’elle croit abattre. La Pologne a gagné ceci à son martyre, qu’elle est restée une nation et qu’elle est devenue un symbole. La Pologne aujourd’hui représente les nations. Pas un peuple, à cette heure, qui, ainsi que la Pologne, ne soit supplicié. La Grèce est mutilée dans sa nationalité, l’Italie dans sa grandeur, l’Irlande dans sa conscience, la Hongrie dans son indépendance, la France dans sa liberté. Mais l’avenir, c’est la restitution. Aucun peuple n’est dans le sépulcre. La Pologne, demain, sera debout. Nous sommes saignants comme elle, elle est vivante comme nous.

Je m’associe du fond du cœur à votre communion auguste.

Victor Hugo.

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