À Monsieur Polydore Millaud.

Bruxelles, 17 août 1868.

Monsieur et ancien ami,

De nos conversations avec M. A. M., votre fils, il résulte ceci :

Immédiatement après la signature du traité spécial pour le livre Tout pour tous, entre vous, d’une part, et M. Paul Meurice, et mes deux fils, Charles et François, d’autre part, je me considérerai comme engagé :

1° À vous donner pour le livre Tout pour tous une préface ayant au moins l’étendue de l’introduction de Paris-Guide. Cette préface sera payée par vous à raison de cent francs la page, en prenant pour type et modèle de la page, tant pour la justification que pour le nombre de lignes ou de lettres, l’édition belge princeps (1862) des Misérables en dix volumes. — Moyennant ce prix, payé comptant à la livraison du manuscrit, vous aurez le droit d’imprimer à un nombre illimité d’exemplaires et pour un temps illimité cette préface dans le livre Tout pour tous, sans pouvoir l’imprimer et la vendre à part dans un autre format, l’auteur se réservant la propriété de son œuvre sous tous les autres formats que le format du livre Tout pour tous.

2° Si vous persistiez à souhaiter que je vous donnasse, outre cette préface pour le livre Tout pour tous, la rédaction faite par moi de vingt-quatre mots à mon choix dans le livre Tout pour tous, ces 24 mots ayant pour type et modèle les quatorze esquisses-examens au chapitre les génies du livre William Shakespeare, vous paieriez ensemble, la préface et les 24 mots, le prix d’un volume entier, c’est-à-dire quarante mille francs payables comptant à la livraison du manuscrit.

Dans le dernier cas, vous auriez le droit de publier, outre la publication dans le livre Tout pour tous pour un temps illimité, la Préface et les 24 mots réunis en volume à part, et dans tous les formats, pour douze années, à partir de la signature du présent traité, sans pouvoir réimprimer à part ladite préface et les 24 mots pendant les deux dernières années de votre jouissance. L’auteur pendant ces douze années n’aurait plus que le droit de publier cette préface et ces 24 mots dans ses œuvres complètes, sans pouvoir vendre le volume séparément. Du reste, dans ma pensée et dans ma conscience, je dois vous faire observer, Monsieur et ancien ami, ceci : selon moi, ces 24 mots qui (et vous pouvez en juger par les quatorze portraits-modèles du chapitre les génies) n’auraient que peu d’étendue, et ne tiendraient que peu de feuilles, coûteraient cependant, à moi, un très grand travail, et à vous (joints à la préface), le prix d’un volume entier, 40 000 francs. Je ne crois pas la surcharge qu’entraîneraient ces 24 mots nécessaire, et, dans mon opinion, la préface écrite par moi suffirait, ce qui serait pour moi une grande diminution de travail, et pour vous une grande économie d’argent.

Ceci dit, dans votre intérêt et dans le mien, je vous laisse décider la question.

Il est convenu que je ne livrerai la préface de Tout pour tous qu’après la publication de mon plus prochain ouvrage en un ou plusieurs volumes.

Si vous êtes d’accord avec moi sur ces divers points, soyez assez bon pour transcrire cette lettre dans votre réponse.

Croyez à ma considération la plus distinguée.

Victor Hugo.

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