à Paul Verlaine

Hauteville-House, 16 avril.

Nul n’est poëte, s’il ne l’est sous les deux espèces, qui sont la force et la grâce. Je me suis toujours figuré que c’était le sens de l’antique double-mont. Vous êtes digne, mon jeune confrère, de voler d’une cime à l’autre. Après les fêtes galantes , livre charmant, vous nous donnerez les vaincus , livre robuste. On peut tout attendre de votre noble esprit. L’émotion, les larmes, la sympathie, c’est là qu’arrivera, après tant de pages excellemment poétiques, votre jeune et fier talent. être inspiré, c’est beau ; être ému, c’est grand. Vous savez qu’à Bruxelles je vous disais cette bonne aventure et je vous annonçais cet avenir. Vous êtes un des premiers, un des plus charmants, un des plus puissants, dans cette nouvelle légion sacrée de poëtes que je salue et que j’aime, moi le vieux pensif des solitudes. Que de choses délicates et ingénieuses dans ce joli petit livre, les fêtes galantes ! les coquillages ! quel bijou que le dernier vers ! Je vous envoie tous mes vœux de succès et mon plus cordial shake-hand . Victor Hugo.

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