À Charles Asselineau.

Hauteville-House, mars 1869.

Mon cher et cordial confrère,

Votre étude sur Charles Baudelaire est un livre, un vrai livre. L’homme y est ; et non seulement l’homme, mais vous. J’ai rencontré plutôt que connu Baudelaire. Il m’a souvent choqué et j’ai dû le heurter souvent ; j’en voudrais causer avec vous. Je pense tous vos éloges, avec quelques réserves. Le jour où je le vis pour la dernière fois, en octobre 1865, il m’apporta un article écrit par lui sur la Légende des Siècles, imprimé en 1859, que vous retrouverez aisément, et où il me semble adhérer profondément à l’idéal qui est une conscience littéraire, comme le progrès est une conscience politique. Il me dit en me remettant ces pages : Vous reconnaîtrez que je suis avec vous. Je partais. Nous nous sommes quittés, je ne l’ai plus revu. C’est un des hommes que je regrette. Votre livre sur lui est cet exquis travail d’embaumement. Heureuse une mémoire qui est en vos mains ! La profonde fraternité du poëte est dans tout ce que vous écrivez. De là le charme. Vous êtes un cœur qui a beaucoup d’esprit. Merci pour ce précieux et bon livre, et recevez mon serrement de main.

Victor Hugo.

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