à François-Victor.

Bruxelles, 26 août. Mon Victor, je suis triste de ne pas t’avoir ici ou de ne pas être avec toi là-bas. Tout commence à se rebrouiller. Bonaparte surnage presque, la crise devient étrange. Nous observons, prêts à partir, à la condition pourtant qu’on ne puisse pas dire que nous allons au secours de l’empire. Sauver la France, sauver Paris, perdre l’empire, voilà le but. Je m’y dévouerai, certes. Détails curieux : les journaux anglais disent que je suis à Paris, les journaux belges disent que j’y vais comme garde national. Berru vient de m’apporter des journaux qui parlent de cela ; l’un d’eux, Paris-journal, dit : " le bruit court que Victor Hugo demande à être incorporé dans la garde nationale ; reste à savoir si cela lui sera accordé. " on vient de me dire que si je vais à Paris je serai arrêté. Je n’en crois rien et cela ne m’empêchera pas d’aller à Paris le jour où Paris sera menacé par les suites d’un Waterloo et en danger de mort. Partager la mort de Paris, ce serait ma gloire. Mais ce serait une fin grande et je crains que tous ces hideux évènements n’en aient une petite. Celle-là, je ne veux pas la partager. La Prusse s’arrêtant, une paix honteuse, un démembrement, un compromis, soit avec Bonaparte, soit avec les D’Orléans, j’aurais horreur de cela, et si le peuple ne bouge pas, je rentrerai en exil. Je t’embrasse tendrement. Lis à Meurice cette lettre et dis-lui de te lire celle que je lui écris. Toutes mes lettres vous sont communes ainsi qu’à notre cher et vaillant Auguste.

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