À Jean Aicard.

[Mai 1869.]

Votre article sur l’Homme qui Rit est simplement admirable. C’est le haut langage de la philosophie et de l’art. Tout est dit et merveilleusement dit. Je n’attendais pas moins de vous, poëte.

Dans ce siècle, voici ce qui fait ma force : En dehors du peuple pour qui je travaille et qui m’aime un peu parce qu’il sait que je l’aime profondément, dans la région purement littéraire et philosophique, les esprits de mon temps se partagent à mon sujet en deux camps, j’ai contre moi la multitude des petits et l’élite des grands. À compter, mes ennemis ont le dessus ; à peser, mes amis l’emportent. Quand je publie un livre, cela fait aux petits l’effet d’une pierre qui tombe dans leur étang. De là, un tapage nocturne. Le public prud’homme prend ce vacarme pour un jugement. Mais de temps en temps, au plus fort du brouhaha des grenouilles, une grande voix s’élève pour moi, voix de poëte, voix d’artiste, voix de philosophe, et ce cri d’aigle annule les coassements. C’est pourquoi je vous remercie.

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