À Alphonse Karr.

Hauteville-House, 30 mai 1869.

Mon cher Alphonse Karr,

Cette lettre n’aura que la publicité que vous voudrez. Quant à moi, je n’en demande pas. Je ne me justifie jamais. C’est un renseignement de mon amitié à la vôtre. Rien de plus.

On me communique une page de vous, charmante du reste, où vous me montrez comme très assidu à l’Élysée jadis. Laissez-moi vous dire, en toute cordialité, que c’est une erreur. Je suis allé à l’Élysée en tout quatre fois. Je pourrais citer les dates. À partir du désaveu de la lettre à Edgar Ney, je n’y ai plus mis les pieds.

En 1848, je n’étais que libéral ; c’est en 1849 que je suis devenu républicain. La vérité m’est apparue, vaincue. Après le 13 juin, quand j’ai vu la République à terre, son droit m’a frappé et touché d’autant plus qu’elle était agonisante. C’est alors que je suis allé à elle, je me suis rangé du côté du plus faible.

Je raconterai peut-être un jour cela. Ceux qui me reprochent de n’être pas républicain de la veille ont raison ; je suis arrivé dans le parti républicain assez tard, juste à temps pour avoir ma part d’exil. Je l’ai. C’est bien.

Votre vieil ami

Victor Hugo.

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