à Jean Aicard.

Altwies, près Mondorf, 18 septembre. J’ai tout reçu, la lettre et le livre. Cher poëte, vous êtes une âme douce et haute, et vous avez traduit votre âme dans ce pathétique livre à deux versants, rébellions et apaisements . Vous méritiez de faire ce beau et profond vers qui résume toute la famille des poëtes : les inspirés du beau, les indignés du mal. Vous êtes indigné parce que vous êtes inspiré. Je crois, au rebours de mon grand Juvénal, que c’est l’inspiration qui fait l’indignation. Les cœurs médiocres ignorent les grandes colères. J’ai lu votre livre, si riche en émotions vraies puissamment dites ; je le relirai. Je le porterai à Paris où je vais rentrer, moins applaudi que l’an passé, mais plus fier. Oui, j’ai bien fait ; je le sais. Vous le savez aussi, vous, noble poëte, grand cœur. Vous sentez bien, vous tous, généreux esprits, que je suis avec vous et que ma vieillesse fraternise avec votre jeunesse. Je porte le drapeau, et les coups sont pour moi ; mais la gloire est pour vous. Je vous serre la main, et je vous envoie mon applaudissement le plus ému et le plus cordial, cher poëte. Victor Hugo.

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