À Auguste Vacquerie.

Bruxelles, 23 juillet.

Cher Auguste, me voici à Bruxelles, et je me tourne vers vous. Je porte envie à votre Bain Sauvage. Votre Wildbad, avec ses pluies et ses brouillards, me paraît plein de rayonnements. Que ne sommes-nous tous là, ou que n’êtes-vous tous ici ! Remerciez les personnes charmantes qui ont la bonté de se souvenir de mon nom, remerciez Paul de St-Victor qui serait digne en effet que la forêt qui l’entoure fût un bois de lauriers. Dites-lui que son admirable article sur Hernani m’arrive reproduit par le Messager franco-américain de New-York, après avoir été reproduit par le Courrier de l’Europe à Londres. Il est beau de voir une grande page littéraire signée St-Victor faire son tour du monde dans la publicité universelle comme un discours de roi, et comme une proclamation d’empereur. Ce sont là les hautes victoires de la pensée.

Ces victoires, cher ami et maître, vous en avez l’habitude. Je vous ai connu adolescent, et, sans pouvoir grandir par l’esprit, le sommet de l’intelligence étant en vous, vous grandissez sans cesse par les œuvres. J’espère bien que Wildbad nous donnera deux choses, votre guérison et un drame. Vous allez, n’est-ce pas ? nous faire un pendant au Fils et aux Funérailles de l’honneur ? Hernani a utilement chassé quelques miasmes, et l’air du théâtre sera plus respirable désormais aux œuvres libres et fières comme les vôtres. J’ai balayé l’azur où vous resplendirez. Ce sera ma récompense, et ma joie. Quand serrerai-je vos mains, à vous tous qui êtes là-bas ?

Vous m’avez envoyé un très beau sonnet de M. Valéry Vernier dans une lettre à vous adressée. Savez-vous où il demeure, où dois-je lui écrire ? Dites-le moi.

Tout est bien ici. Nous baptisons Georges après-demain 25. Je vous envoie toutes les cordialités qui m’entourent, plus la mienne, ex imo. Votre succès d’Hernani continue.

Les yeux de ma femme vont bien, mais notre cher docteur Émile la gronde quand elle écrit. C’est pourquoi je la remplace. Quelle exquise idée vous auriez de repasser tous par Bruxelles. J’y suis encore pour au moins huit jours. Tâchez de donner cette fête à la place des Barricades (J’aime ce nom).

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