À Louis Ulbach.

H.-H., 27 juin.

Je respire un peu, et je puis enfin vous écrire. J’ai reçu deux mille lettres depuis six jours. J’ai lu avec émotion votre compte rendu de cette soirée du 20 juin. Vous avez toutes les éloquences, vous dites tout ce qu’il faut dire, vous touchez aux choses littéraires avec grandeur, aux choses politiques avec puissance. Avez-vous reçu ma lettre à Juarez pour Maximilien, non publiable en France, mais publiée partout dehors. Je l’écrivais le matin du 20 juin. Que n’êtes-vous ici ! quelle joie j’aurais à vous serrer la main. Mais j’espère vous voir et vous avoir à Bruxelles. Votre Paris-Guide est un monument, et vous êtes un fier architecte. Que de choses j’ai encore à vous dire, mon noble et cordial et vaillant confrère et ami ! Je mets tout mon cœur dans un serrement de main.

Victor Hugo.

Remerciez pour moi tous mes amis connus et inconnus que vous rencontrez.

À Crémieux.

Hauteville-House, 28 juin.

Mon cher Crémieux, vous écrivez comme vous parlez, avec l’éloquence électrique. Votre lettre m’a fait battre le cœur. Elle vibrait en moi comme votre voix même. Je vous remercie, mon ami. La grande poésie orientale, le grand art grec, le grand art latin relèvent de la nature. C’est la nature seule qui est reine de l’art, comme la liberté est reine de la cité. Le dix-septième siècle est fatalement monarchique ; de là son infériorité. Corneille et Molière mis à part. Nous, fils de la Révolution, déployons le drapeau de l’idéal ; et, aux philosophes comme aux artistes, crions : en avant !

C’est là ce que j’ai fait. 1867 l’accepte comme 1830, et mieux encore. Vous, ami, vous me serrez la main, et je me sens heureux de n’être plus tout à fait un vaincu, quoique je sois encore un exilé.

À vous, ex imo

Victor Hugo.

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