À Paul Meurice.

H.-H., 3 mai.

Vous avez fait une œuvre hautement originale. Tout est neuf, pathétique, poignant. Quel drame que ce prologue ! et quelle tragédie que cette comédie ! le cœur de cette grande et touchante Paule se brise comme un vase de parfums. Il en sort de l’héroïsme. On la plaint, et on vous aime. Toutes ces figures sont vraies, immédiates, palpitantes. Pas un type qui ne soit de notre temps, et de tous les temps. Ce sont nos mœurs, et, bien plus, c’est notre cœur. C’est le cœur éternel. Maria Pasqua est une trouvaille. On n’est pas plus sauvage, on n’est pas plus apprivoisé. C’est la gentillesse farouche, chef-d’œuvre exquis. On la respire comme une fleur, et voilà qu’elle s’envole comme un oiseau. Quels mots partout ! non, nom ne mourrons pas, mais nom ne vivrons plus. — J’en avais noté une foule, je les avais ramassés comme des coquillages au bord de la mer, je ne vous les montre pas, à quoi bon ? Ils rempliraient plus de pages que je n’en puis écrire. Je les laisse dans votre blanche écume qui recouvre un flot si profond. Que de gaîté dans votre mélancolie ! Que de tristesse dans votre sourire ! Doux et grand penseur, j’aime vos succès. Ils laissent dans Paris une trace de lumière et dans ma solitude une rumeur de fête.

Je parle ici pour deux. Je vous traduis deux émotions. Vous avez charmé par votre envoi une grande âme tendre, faite pour vous comprendre. Elle me dit son ravissement, et je mêle ses larmes à mon applaudissement, et nous appelons à grands cris : l’auteur !

Quand viendra-t-il ? quand l’aurons-nous dans notre Guernesey ! l’auteur ! l’auteur ! Tel est votre succès ici. Je vous embrasse.

V.

J’aurais bien voulu ne vous parler que de vous, mais votre douce amitié me force à vous parler de moi. Je conserve quelque doute quant à la bonne volonté de là-bas. Mais je me repose de tout sur vous. Pour tout prévoir, on ferait le traité Ruy Blas que vous indiquez avec cette clause : « — Dans le cas où, pour des motifs quelconques, le présent traité n’aurait pas reçu d’exécution neuf mois après la date des signatures, il serait nul de plein droit. — » De cette façon le théâtre aurait son traité et moi ma garantie. Tout serait sauvegardé. Je pense que vous approuverez.

Et encore bravo ! et encore merci !

Quant à M. A. Morel, j’autorise bien volontiers le titre des Travailleurs de la mer. Seulement ne croira-t-on pas que les vers sont de moi ? Il faudrait, pour l’auteur des vers comme pour moi, trouver moyen d’empêcher ce mistake. Vous avez très bien fait, et Lecanu a très bien conseillé de retrancher les phrases signalées par moi-même.

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