Hauteville-House, 30 janvier 1869.

Vous m’envoyez votre œuvre, mais déjà la renommée m’avait apporté votre succès. C’était plus qu’un bruit de fête, c’était un bruit de gloire. Paris vous a salué poëte. Cher et charmant confrère, j’ai lu votre Passant. Je suis ravi. C’est le vers excellent, c’est la pensée douce et forte, l’ensemble est exquis.

Vous avez mis harmonieusement la lune dans le paysage et, dans le poëme, la mélancolie. Reflets profonds qui font songer le penseur.

Faire une telle œuvre, c’est parfait ; en avoir une telle réussite, c’est complet. Notre généreuse jeunesse vous a compris. Vous êtes un prêtre du vrai et grand art ; la jeunesse vous applaudit, et moi je crie à vous merci ! et à elle, bravo !

À Monsieur Léon Guillet.

[Janvier 1869.]

Je travaille, les jours sont courts, mes yeux sont fatigués, j’ai à peine le temps d’écrire une lettre. Cela n’empêche pas qu’on ne m’en fasse écrire, un jour à M. Delahodde, un autre jour à M. Hamburger. Le faux, à ce qu’il paraît, est devenu une arme littéraire : on me prête des actions que je ne fais pas, des mots que je n’ai pas dits. Soit, passons... Autre détail de l’exil : mes amis ne reçoivent pas les lettres vraies, et le public lit les lettres fausses.

À Charles. À François-Victor.

[1869.]

Vous voyez, chers enfants, que mon envoi du 1er janvier était exact. Votre erreur vient de ce que vous avez omis le rappel de ce paiement anticipé de 1 134-37 fait par moi à vous en octobre.

2° Les 133 fr. au lieu de 166. Ici la réclamation est juste. Mais le mistake vient de Charles qui dans sa récapitulation a mis 133 fr. J’ai copié son chiffre sans réflexion... C’est donc 247-35 que je vous dois, je vous les envoie sous ce pli en une traite de 250 fr. sur Mallet frères.

(Note pour Charles. Il m’a compté 70 fr. pour un cadre neuf au tableau. Or, le tableau, arrivé enfin, a été déballé aujourd’hui avec le vieux cadre que je lui connaissais (Empire. Dédoré çà et là, et éraillé). J’en conclus que Charles, ce qui est tout simple, n’a pas vu emballer le tableau, et qu’on lui a compté un cadre qu’on n’a pas fourni. Il fera bien de réclamer, cette lettre-ci à la main, et il va sans dire que je lui fais cadeau des 70 fr.)

Ouf ! en voilà une lettre ! Pour ma peine, je vous prends tous dans mes bras, depuis les grands jusqu’au petit. Je pense que mon Charles est de retour avec sa couvée. Encore un tendre embrassement.

V.

Questionnez M. Van Vambeke sur l’italien. Il est peu probable que l’impôt sur cette rente soit de 70 fr. pour 750 fr. Le dixième. C’est peu admissible. L’Income tax anglais serait dix fois dépassé.

Votre mère a donné en legs : 1° sa broche de Froment-Meurice ; 2° son bracelet d’argent. Les avez-vous là-bas ?

À Auguste Vacquerie.

H.-H., 2 février.

Méconnaîtrait est une parfaite faute de français, et il n’est pas inutile de battre en brèche l’infaillibilité de Racine, aussi bête que celle du pape ; mais de votre côté, vos raisons sont excellentes, et je donne raison à vos raisons. Vous avez bien fait. Dans les éditions suivantes, le texte complet reparaîtra. En attendant je vous approuve et je vous remercie, ex imo corde.

Voyez donc M. Lacroix. Ces retards sont pour moi incompréhensibles. Il est muet comme le sphinx et lent comme la tortue. Il a reçu le 1er volume le 21 9bre et l’on a mis dix semaines à l’imprimer. Si cela continue de ce train, il faudra sept mois pour imprimer les trois autres, et nous paraîtrons à l’automne. Est-ce son intention ? — Quelquefois je ne reçois qu’une feuille par semaine. Lisez-lui, je vous prie, ce bout de lettre. Je renvoie toujours les épreuves le jour même corrigées. J’ai vu du T. 2 jusqu’à la feuille 8 (en 1re) en comptant les quatre feuilles que je reçois aujourd’hui, et qui seront à la poste ce soir. Jamais un retard de mon côté.

Voici mon portrait-carte pour M. Georges Bell. Il aimera cela, je crois, autant qu’un billet de quelques lignes. Serez-vous assez bon pour le lui transmettre.

Cordial shake-hand à votre neveu. Mes hommages à madame Ernest et à mademoiselle Catherine, et que vous dire à vous ? Quand je songe que la main qui a écrit le Fils et qui écrit Faust corrige mes points et virgules, je suis attendri, et confus, et je voudrais vous serrer dans mes bras.

La caisse contenant les legs est partie ce matin pour Paris par Cherbourg, et vous arrivera franche de port, cela va sans dire. J’ai renvoyé à M. Béghin son manuscrit par M. Lestrinqué dont il connaît le père. Soyez assez bon pour lui donner ce renseignement.

À vous, cher Auguste, profondément. Publier tout ensemble, ç’a toujours été mon avis.

À René Paul Huet.

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